Essuyer les plâtres
« Essuyer les plâtres » signifie aujourd’hui éprouver les conséquences d’une situation nouvelle. Au sens figuré, cette expression apparaît au 19ème siècle dans le dictionnaire de Littré1. Mais son sens propre remonte à la fin du 18ème siècle, époque à laquelle l’habitat urbain se développe, à Paris comme dans les grandes villes de province. L’hôtel de Lalande, qui abrite le musée, fut lui-même édifié entre 1774 et 1779.
Louis-Sébastien Mercier, auteur du célèbre Tableau de Paris édité de 1782 à 1788, nous informe, au chapitre 341 de son ouvrage, que la chaux et les plâtres employés dans la construction des nouvelles maisons parisiennes dégagent des vapeurs extrêmement nocives2 . Par conséquent, le temps que ces matériaux sèchent, « on abandonne ces maisons neuves et humides aux filles publiques : on appelle cela essuyer les plâtres ». « Essuyer » étant à prendre, ici, dans son sens étymologique de « essicare », sécher. On retrouve cette expression au sens propre chez plusieurs auteurs du 19ème siècle, comme Théophile Gauthier ou Emile Zola qui écrit, dans Nana, que celle-ci « occupait, boulevard Hausmann, le second étage d’une grande maison neuve, dont le propriétaire louait à des dames seules, pour leur faire essuyer les plâtres » (chapitre II)3. Puis le sens figuré s’est progressivement imposé à l’époque contemporaine jusqu’à occulter complètement aujourd’hui l’origine très pragmatique de cette expression.
1 Emile Littré, Dictionnaire de la langue française, 1872-1877, consultable en ligne : https://www.littre.org/definition/pl%C3%A2tre
2 Louis Sébastien Mercier, Tableau de Paris, 1782-1788, consultable sur Gallica https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k9768923r.r=Mercier%2C%20Louis S%C3%A9bastien%20tableau%20de%20paris?rk=21459;2]
3 Marc Fumaroli, Le livre des métaphores, Paris, éditions Robert Laffont, 2012, p.413