Daniel Astruc
Daniel Astruc (1863-1950) est « issu d’une famille séfarade installée depuis plusieurs générations à Bordeaux ». C’est un important collectionneur d’estampes du XVIIIe siècle. Dès 1921, il manifeste son intention de faire don de ses estampes et de son mobilier ancien à la municipalité. Sa remarquable collection est alors constituée de « 240 gravures en noir et en couleurs, du XVIIIe siècle et du commencement du XIXe siècle, toutes encadrées, et la plus grande partie au moyen de cadre Louis XVI en bois sculpté et doré de l'époque ».
L'acquisition de cette collection est effectuée sous la forme d'une rente viagère constituée par la jouissance d'un appartement à aménager dans l'hôtel de Lalande. Astruc obtient alors le titre d'administrateur des Beaux-Arts de la ville de Bordeaux et emménage au rez-de-chaussée de l’hôtel de Lalande. L'appartement comprend une dizaine de pièces au rez-de-chaussée du corps de logis principal et de l'aile des communs, confortablement équipé d’un chauffage central, de l'éclairage électrique, du gaz dans la cuisine et le cabinet de toilette, d'un poste téléphonique, et de boutons de sonnettes électriques. Le collectionneur s'engage à faire visiter au public sa collection d'estampes, deux jours par semaine.
Assez vite, Astruc manifeste le souhait que les « objets lui appartenant soient à l’abri » et demande l’aménagement d’un passage souterrain, au niveau des caves, permettant la circulation des détenus du service du « Petit Parquet » vers la prison, évitant ainsi qu’ils traversent l’hôtel particulier ! La prison à l’arrière de la parcelle est, en effet, toujours en activité, et les services de Police demeurent dans une partie de l’aile des communs. A défaut de profiter d’une perspective agréable sur les jardins – disparus - de l’hôtel de Lalande, c’est sur la cour arrière pavée où circulent les voitures des détenus que donnent les appartements du collectionneur.
Dans trois testaments en date de 1938, 1947 et 1949, Daniel Astruc exprime sa volonté que ses « faïences, porcelaines, argenteries, meubles de toutes natures, sièges, tapisseries, écrans, rideaux, tapis et tentures, objets d’art, marbres, bronzes, pendules, lustres, [ses] deux bibliothèques, tous [ses] livres, [ses] armes, enfin toutes les choses d’art qu’ont apporté un peu de joie à [sa] vie si troublée, soient conservées au Musée d’art ancien, pour servir à l’éducation des [ses] concitoyens, depuis le plus fortuné jusqu'au plus humble.» Mais à sa mort en 1950, son héritière (enfant naturelle née en 1923) fait poser des scellés sur sa collection. L’inventaire après décès mentionne plus de 400 objets et meubles « ayant presque tous une valeur considérable ». « L’affaire de la succession » fait alors les gros titres de la presse locale. Un jugement établi en 1953 réduit la valeur du legs initial et une vente aux enchères publiques est organisée au profit de sa fille en mai 1953, dispersant ainsi l'ensemble de la collection.
Seules les estampes sont aujourd'hui conservées au musée des Arts décoratifs et du Design, avec la commode en console et une dizaine d’objets.