Avoir l'esprit d'escalier
Comme la précédente, cette expression est elle aussi liée à l’architecture, et en particulier à la diffusion, du 17e au 19e siècle, de ce qu’on appelle le « bel étage » ou « étage noble », lieu prisé des réceptions et des salons. Elle désigne une personne sans esprit de répartie, victime ou témoin d’une pique en société, qui ne saurait réagir immédiatement et ne trouverait les mots pour répliquer qu’une fois parvenue au bas des escaliers de la demeure, alors même qu’elle s’apprête à quitter les lieux. Le cheminement descendant dans l’escalier est à la fois littéral, faisant référence aux grands escaliers d’honneur des vestibules ou ceux des perrons surplombant cours ou jardins que l’on emprunte, et métaphorique, évoquant l’information qui se fraye lentement un chemin au sein des rouages de l’esprit, degré par degré.
La plupart des historiens voient la présente citation de Diderot comme la première mention de cette métaphore : « Cette apostrophe me déconcerte et me réduit au silence, parce que l’homme sensible, comme moi, tout entier à ce qu’on lui objecte, perd la tête et ne se retrouve qu’au bas des escaliers » 1 . Un siècle plus tard, le poète Verlaine l’utilise au sens figuré dans sa correspondance privée : « L'autre jour, avec cet esprit de l'escalier qui me caractérise, j'ai réfléchi que vous aviez été des moins explicites quant aux sommes dont Chanzy peut se reconnaître redevable envers moi ».2
1 Denis Diderot, Paradoxe sur le comédien, 1773-1777, publié à titre posthume à Paris par A. Sautelet et Cie, libraires, en 1830. L’anecdote est citée p.37 de cet ouvrage consultable sur Google Livres ici : https://books.google.fr/booksid=gksHAAAAQAAJ&printsec=frontcover&dq=did…
2 Paul-Marie Verlaine, Correspondance, tome 2, 1886, p. 58, cité dans l’article « Escalier » de l’encyclopédie du Centre national de ressources textuelles et lexicales : https://www.cnrtl.fr/definition/escalier