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museum of decorative Arts and Design

musée des Arts décoratifs
et du Design de Bordeaux
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39 rue Bouffard,
33000 Bordeaux

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Sucrer les fraises

Tasse et soucoupe, manufacture des Terres de Bordes, Bordeaux, 1787 - 1790, porcelaine, dépôt du musée national de Céramique de Sèvres (inv. D 78.5.105/1) <br/>
Tasse et soucoupe, manufacture des Terres de Bordes, Bordeaux, 1787 - 1790, porcelaine, dépôt du musée national de Céramique de Sèvres (inv. D 78.5.105/1)

 

On dit souvent d’une personne âgée qu’elle « sucre les fraises ». Cette image surprenante traduit le parallèle imagé entre le geste qui consiste à répandre du sucre en poudre ou du sucre glace sur les fraises pour en sublimer la dégustation et les tremblements nerveux incontrôlés que l’on observe chez les personnes, généralement âgées, atteintes d’une maladie dégénérative, chez les alcooliques ou encore chez quelqu’un qui tremble de peur.

Cette expression peu flatteuse est attestée depuis le dernier quart du XIXe siècle. On attribue, en effet, habituellement à Aurélien Scholl la première occurrence de celle-ci dans son roman Poivre et Sel paru en 1901. Toutefois, le passage concerné apparaît déjà dans le journal L’Événement du 19 mai 18781 , journal dont le journaliste d’origine bordelaise est un collaborateur régulier. On retrouve par la suite régulièrement cette expression dans la presse. Dans le journal Le Matin du 18 juin 1887, on lit ainsi : « Les hommes d’État de 1870 sont évidemment tombés en enfance et bons tout au plus à sucrer les fraises2 . » Cette petite phrase assassine est reprise dès le lendemain par La Croix. Dans Le Voltaire (journal dirigé par Scholl) du 13 janvier 1894, l’expression prend une tournure satirique : « Les professions bizarres. Nous avions déjà l’épongeur d’huîtres et l’alcoolique dont on utilise le tremblement pour sucrer les fraises dans un grand restaurant3 . »

On a parfois cherché à donner à cette analogie simple mais un tantinet douteuse une légitimité historique. Une croyance largement répandue veut, en effet, que cette expression trouve son origine dans les collerettes plissées – les fraises – que portaient les hommes et les femmes du XVIe et du XVIIe siècle. À une époque où il était coutumier de se poudrer le visage pour en accentuer la blancheur aristocratique, les tremblements nerveux des personnes âgées auraient entraîné le dépôt, sur ces fraises en tissu, de la poudre de riz utilisée à cette fin. Pour un contemporain, le parallèle entre ce produit cosmétique et le sucre fin déposé sur les fruits est certes séduisant. Pourtant, on ne trouve nulle part cette expression avant le XIXe siècle, et surtout à l’époque, le sucre en poudre fin et le sucre glace tels que nous les connaissons aujourd'hui n’existaient pas !

1L’Événement, 19 mai 1878.
2Le Matin, 18 juin 1887.
3 Le Voltaire, 13 janvier 1894.