Faire antichambre
A l’époque moderne, le mot « chambre » désigne une pièce d’habitation de la maison, un salon, et non pas seulement la pièce destinée au coucher1 . L’antichambre, comme son nom l’indique, est la pièce qui précède une chambre – ou plusieurs – et en contrôle l’accès. A l’entrée d’un hôtel particulier, comme d’un appartement privé, les visiteurs y sont accueillis par des domestiques et y patientent, attendant d'être reçus par leur hôte. « Faire antichambre » signifie, ainsi, ne pas être reçu immédiatement et attendre plus que de raison. Cette attente contrainte et exagérée était bien souvent, pour le maître des lieux, un moyen de marquer la différence de rang social entre son visiteur et lui2 . L’hôtel de Lalande abrite, au rez-de-chaussée, deux antichambres, en enfilade du vestibule qui servait de hall d’entrée. Ces trois pièces présentent un crescendo de décor et de confort qui illustre cette pratique : en fonction de son importance, le visiteur patientait dans un espace plus ou moins accueillant.
De quoi alimenter les railleries dans les classes populaires qui, elles aussi, s’inspirent de leur quotidien pour inventer des expressions à l’ironie imagée. Dans la seconde moitié du 19e siècle s’imposent, ainsi, dans l’argot parisien, les expressions « faire le poireau », puis « poireauter » qui établissent une analogie entre l’attitude du visiteur persévérant patientant des heures et ledit légume planté bien droit dans le sol3 . Cette expression finit par désigner les sergents de ville en faction, puis se diffuse abondamment dans le monde militaire pour devenir courante dans l’entre-deux-guerres.
1 Centre national de ressources textuelles et lexicales accessible en ligne : https://www.cnrtl.fr/definition/chambre//0
2 Marc Fumaroli, Le livre des métaphores, Paris, éditions Robert Laffont, 2012, p.403
3 Lorédan Larchey, Dictionnaire historique d'argot, Paris, E.Dentu, 1888, dixième édition.