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Musee des Arts decoratifs et du Design de Bordeaux

musée des Arts décoratifs
et du Design de Bordeaux
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39 rue Bouffard,
33000 Bordeaux
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Mettre les petits plats dans les grands

Service « au Cartus », Manufacture de Jacques Hustin à Bordeaux, 1730-1750, faïence stannifère à décor de grand feu<br/> &copy;  madd-bordeaux - L. Gauthier
Service « au Cartus », Manufacture de Jacques Hustin à Bordeaux, 1730-1750, faïence stannifère à décor de grand feu
© madd-bordeaux - L. Gauthier

 

Mettre les petits plats dans les grands signifie déployer de nombreux efforts pour organiser du mieux possible un événement dans le but de combler les attentes de ses destinataires. Si cette expression est aujourd’hui utilisée dans différents contextes, elle est à l’origine liée aux arts de la table. Les historiens s’accordent pour dire qu’elle remonterait au début du XIXe siècle1 . Elle se réfère à la mode très en vogue au XVIIIe siècle – et qui se prolonge après la Révolution – des surtouts de table et des dormants. Ce sont de grandes pièces décoratives, généralement d’orfèvrerie, que l’on plaçait au centre de la table sur un plateau somptueux qui servait également de support aux boîtes à épices et récipients à condiments.

Historiquement, la diffusion de cette expression au XIXe siècle accompagne également un changement dans les pratiques du rituel de la table. En effet, à cette époque, le « service à la russe » remplace, petit à petit, le « service à la française » qui avait marqué tout l’Ancien Régime. Ce dernier mettait en avant le zèle d’une nombreuse domesticité attentive à apporter aux convives, à tout moment du repas, les « outils » dont ils avaient besoin : un couvert, une assiette, un verre, etc. Ces derniers n’étaient, en effet, pas dressés sur la table au sens où on l’entend aujourd’hui2 . Avec l’émergence d’un mode de vie plus bourgeois au XIXe siècle, ce « service à la française », très coûteux et fastidieux en terme de personnel et d’organisation, laisse la place au « service à la russe » qui nécessite moins de domestiques : désormais, tous les convives disposent, en face d’eux, des ustensiles dont ils auront besoin pendant le repas : une série de couteaux à droite de l’assiette, une déclinaison de fourchettes à gauche, un ensemble de verres (à eau, à vin rouge, à vin blanc, etc.) et, selon une mode qui se diffuse particulièrement dans la seconde moitié du XIXe siècle, les assiettes sont disposées au centre de sous-assiettes (en un mot des petits plats dans de plus grands plats).

Cette expression est donc associée au faste accordé au dressage de la table dans la bonne société. Notons néanmoins la mention d’une autre expression, proche mais oubliée aujourd’hui, dans le dictionnaire de Littré : « mettre les petits pots dans les grands ». Il n’est plus, ici, question d’ostentation mais de pragmatisme puisqu’il s’agit « d’arranger toute chose pour un déménagement » en empilant par ordre de grandeur les divers récipients3 . Le parallèle entre les deux expressions, à la fois si proches dans leur construction, et si éloignées dans leurs nécessités, rend compte, une fois de plus, de l’importance de l’étude de la langue pour saisir l’image d’une société à un moment donné.

1 Marc Fumaroli, Le Livre des métaphores, Paris, éditions Robert Laffont, 2012, p. 452.
2 Pierre Ennnès, Gérard Mabille, Philippe Thiébaut, Histoire de la table - Les arts de la table des origines à nos jours, Paris, Flammarion, 1998
3 https://www.littre.org/definition/pot